Éducation des enfants en zones cacaoyères, sur les traces des « classes passerelles »

Article : Éducation des enfants en zones cacaoyères, sur les traces des « classes passerelles »
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6 août 2018

Éducation des enfants en zones cacaoyères, sur les traces des « classes passerelles »

La classe passerelle de Gbokokro (Divo) / Yéfien Coulibaly – Libre Tribune

Un projet ‘‘Classe passerelle’’’ est en cours d’implémentation dans les zones cacaoyères de Côte d’Ivoire. Objectif : apporter des solutions durables à la question de l’éducation des enfants dans les communautés de cacao. En arrière-plan : la Fondation Jacobs, l’International Cocoa Initiative (ICI) et des entreprises de l’industrie du cacao.

Un projet ‘‘Classe passerelle’’ est en cours d’exécution dans les zones cacaoyères de Côte d’Ivoire. Il est en vigueur dans trente-cinq communautés dont les villages de Binao dans la région Duékoué, de Brou-Kouassikro du côté de Gagnoa, de Gbokokro à quelques encablures de Divo, sur la voie de Hiré et de Konan-Yaokro à environ une trentaine de kilomètres de N’Douci, après Tiassalé. Enfants d’Afrique est allé toucher du doigt les défis de l’éducation dans ces communautés afin de voir les réponses apportées par les ‘‘Classes passerelles’’.

Les ‘‘Classes passerelles’’, une solution de remédiation

Découvert à la faveur d’une aventure de cinq jours (du 18 au 22 juin 2018) dans les localités sus-citées sous l’impulsion de la Fondation Jacobs (qui cofinance l’initiative avec Nestlé), le projet ‘‘Classe passerelle’’ est mis en œuvre par l’International Cocoa Initiative (ICI). Il apporte des solutions durables à la question de l’éducation des enfants dans les communautés de cacao. Cette question se décline en plusieurs problématiques : le travail des enfants dans les zones cacaoyères, le décrochage précoce des enfants de l’école, l’accès de tous enfants qui sont hors du système éducatif formel à l’éducation et l’implication des parents dans le processus d’éducation scolaire des enfants.

A côté de toutes ces problématiques auxquelles s’adresse le projet ‘‘Classe passerelle’’, le principal objectif de la Fondation Jacobs et de ses partenaires est de renforcer le rôle de l’éducation de qualité dans les stratégies de l’industrie. Et ce, à travers son programme Transformer l’Éducation dans les Communautés de Cacao (TRECC) qui vise à ce que les partenaires du cacao intègrent l’éducation de qualité dans leurs stratégies de durabilité et pensent à l’intégration de l’éducation dans leurs activités de développement communautaire. On parle de solution de remédiation.

Autrement dit, ce projet de ‘‘Classes passerelles’’ vient remédier et mettre fin (dans un objectif à court terme) à tous ces maux liés à l’éducation des enfants dans les communautés de cacao.

Les ‘‘Classes passerelles’’, une démarche de bonne guerre

Une démarche qui s’inscrit dans la droite ligne des Objectifs de Développement durable (ODD). A savoir l’ODD numéro 4 consacré à l’éducation, visant à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ». Mieux, cette démarche de TRECC se justifie par des chiffres peu élogieux à propos du système éducatif ivoirien.

Le pourcentage d’enfants qui grandissent en dehors du système scolaire pour le primaire en Côte d’Ivoire est de 12% selon l’UNESCO, soit 461,892 enfants. Le taux d’achèvement dans le primaire est de 75,1%, le redoublement au primaire 11%, et un tiers des enfants ivoiriens vont à l’école pendant 10 ans ou plus. Les autres abandonnent avant. Des statistiques du Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (MENET-FP).

Ce tableau déjà sombre sur le système éducatif ivoirien se déprécie davantage avec ces chiffres respectifs de l’UNESCO et du MENET-FP. 91% des élèves de pays à revenu faible n’atteignent pas des compétences minimales en lecture, 80% des élèves n’avaient pas atteint le seuil suffisant de maîtrise en mathématiques en 2016 et 77%  avaient un niveau en lecture qualifié de mauvais ou de très mauvais, suite à une évaluation des plusieurs classes de CE1.

Les ‘‘Classes passerelles’’ dans la pratique

Les ‘‘Classes passerelles’’ offrent une chance de revenir à l’école pour les enfants qui ont décroché assez tôt, ou de l’intégrer à un âge avancé, soit des enfants agés de 9 à 14 ans, avec possibilité de continuer le cursus scolaire dans le système éducatif ivoirien normal. En clair, un passage de l’éducation informelle que proposent les ‘‘Classes passerelles’’ à l’éducation formelle du MENET-FP ivoirien.

Pour ce faire, un programme pédagogique accéléré fondé sur les compétences de base du programme officiel du primaire est enseigné dans les ‘‘classes passerelles’’. Il fonctionne avec trois groupes pédagogiques : CPU (CP1 et CP2 Unis), CEU (CE1 et CE2 Unis) et CMU (CM1 et CM2 Unis). Et chaque niveau se fait en une année scolaire pour permettre aux enfants concernés de rattraper leurs retards.

Vidéo à lire : Mieux comprendre les classes passerelles

Dans la pratique, une évaluation des acquis des enfants en fin d’année scolaire avec possibilité de transfert vers l’école formelle, selon le niveau, est en vigueur. Et elle est organisée par la Direction de l’enseignement non-formelle et l’alphabétisation affiliée au MENET-FP ivoirien. A l’issue du test pour le niveau de CPU par exemple, les enfants sont classés en trois différentes catégories : les super bons avec un excellent résultat, les bons avec un résultat moyen et les moyens pour les résultats acceptables. Ceux de la première catégorie sont directement admis au CM1, la deuxième catégorie au CE2 et la troisième catégorie au CE1. A l’endroit cette dernière catégorie restée au CE1, un programme pédagogique annexe appelé « Soutien scolaire » sera initié. Cela donne le CEU. De sorte qu’en trois ans, tout enfant inscrit à une ‘‘Classe passerelle’’ peut rattraper ses paires au CM2.

Une autre caractéristique importante des ‘‘Classes passerelles’’ c’est qu’elles sont implantées à proximité des écoles primaires publiques. L’idée étant non seulement de les adapter au contexte socio-culturel de l’enfant mais aussi et surtout de les faire bénéficier de l’encadrement des enseignants ordinaires et de faciliter la transition des enfants vers l’école formelle.

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Ainsi, la première vague du projet, constituée de 30 ‘‘Classes passerelles’’ pour un effectif attendu de 900 élèves a commencé il y a deux ans, lors de l’année scolaire 2016-2017. Ces enfants ont subi un test en fin d’année et ont été transférés dans les écoles formelles. Sur 507 enfants suivis, 493 ont été transférés à l’école formelle. La seconde vague de 2017-2018 constituée de 35 ‘‘Classes passerelles’’ et un effectif attendu de 1000 élèves, continue les cours, les élèves passeront le test au mois de juillet. Une troisième vague suivra pour la rentrée scolaire 2018-2019.

Notons pour terminer que l’incidence du travail des enfants est plus haute à la CEDEAO (24,7 %) que dans le reste de l’Afrique sous-saharienne (21,7 %) ainsi que toutes les autres régions du monde (9,9%) (OIT). La Côte d’Ivoire, pays de cette communauté économique, est le premier producteur mondial de cacao avec plus de 2 millions de tonnes de fèves, soit 40 % de la production mondiale.

Vidéo reportage à lire : sur les traces des classes passerelles

CEDEAO : Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest

OIT : Organisation internationale du travail

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture

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