10 janvier 2018

Bouaké, la cocotte-minute !

400 kilomètres environs au nord d’Abidjan, au centre de la Côte d’Ivoire sur la Nationale 3, une ville : Bouaké ! Hier cité paisible de la région du Gbêkê où il faisait bon vivre, Bouaké vit aujourd’hui au rythme inquiétant de la violence, de la gâchette facile. Une armée qui ne sait plus se taire, des tirs récurrents de militaires, la tension permanente !

Ouverte par la rébellion armée, la boîte de pandore a laissé échapper les démons de la violence qui élisent désormais domicile à Bouaké. Jour après jour, ils se manifestent. Des ex-rebelles – militaires en fonction ou démobilisés –  qui se mutinent, des lycéens en colère qui saccagent des véhicules et s’en prennent à leurs professeurs, des populations mécontentes qui cassent et pillent les établissements bancaires et les instituteurs grévistes qui s’empoignent. Bref, à Bouaké chacun y va de son ‘‘arme’’, au gré de ses intérêts.

Des heures de braises par saccade

Depuis janvier 2017, la ville de Bouaké n’en finit pas avec les heures chaudes. Les « 8400 », on s’en souvient. Un nombre, un effectif.  Des ex-rebelles reversés dans l’armée régulière revendiquent, RPG au poing, leur dû au Président Alassane Ouattara. Une dette que l’État de Côte d’Ivoire aurait contractée au plus fort de la rébellion armée. 12 millions de FCFA, le montant. Tractations, négociations, ils ont été payés. Cette fois au guichet et non sur le terrain comme à l’accoutumée. D’autres corps ont suivi le mouvement, avec des velléités de querelles interarmées très vite circonscrites. Les démobilisés ne se sont pas faits prier. Mais ils restent toujours en attente. Une main de fer dans un gang de velours. Forces spéciales, traitement spécial ! On n’en saura pas plus. N’empêche qu’à chaque grabuge, les populations civiles ivoiriennes en pâtissent. Même pour des incongruités les plus impensables.

Et oui, si l’on a coutume de dire que l’argent est le nerf de la guerre, la femme n’en est pas moins une cause au sein de l’armée ivoirienne. C’est ce que l’on entend et lit ça et là. Au delà des biens jolis mots officiels de contentieux entre frères d’armes.

Pour une histoire de femme, l’infidélité d’une conjointe en effet, Bouaké est de nouveau le souffre-douleur des hommes en armes depuis une semaine. Crépitement d’armes automatiques et tirs nourris, à l’actif du 3ème  Bataillon d’infanterie militaire de Bouaké et des éléments du Centre de Coordination des Décisions Opérationnelles (CCDO). Une situation qui perturbe la quiétude de plus 542.000 âmes vivant dans cette ville. La deuxième du pays, après Abidjan. Apeurées, terrées et freinées dans leurs activités quotidiennes pour une guéguerre au drôle de motif : un militaire cocu. Bravo, soldats dévoués à la cause nationale !

« On nourrit les tirs pour affamer la population. Et pourquoi ?  Une histoire de femme ! », boutade d’un anonyme pour exprimer son ras-le-bol suite à ce énième mouvement d’humeur de la soldatesque de Bouaké. Hallucinant !

Un héritage infect à surveiller

Ces mutineries qui ont émaillé toute l’année 2017 et ces mouvements d’humeurs écœurants, rendent la ville de Bouaké comparable à ‘‘un champ de mine’’, une bombe à retardement, qu’il faut prendre avec d’énormes précautions. Cet héritage puant et inquiétant de plusieurs années de crises militaro-politiques risque d’exploser et d’entraîner avec elle toute la Côte d’Ivoire.

Des jeunes formatés à la violence, des ex-combattants aguerris en attente d’une situation sociale stable, des armes qui circulent sans contrôle véritable, tous les ingrédients sont réunis pour un feu d’artifice. Des éléments incontrôlés dans une poudrière à ciel ouvert, ça craint, ça « Soul ». Dit autrement, Bouaké est une zone rouge qui nécessite un plan d’urgence de normalisation. Une démilitarisation à la limite pour faire descendre la tension qui se veut aujourd’hui permanente (la ville de Katiola, à 55 km au nord de Bouaké, fera une bonne base militaire dans dix ans). Reformer l’armée ivoirienne est également plus que nécessaire. Il faut y aller maintenant, et à fond. N’attendons pas l’imparable. Sans quoi, la Côte d’Ivoire entière l’apprendra à ses dépens.

Comme aime à le dire Adamo, gérant de cybercafé, toute fois qu’une situation de désordre survient dans la ville, « Bouaké là où tout à commencé, là où tout va se terminer » si l’on n’y prend garde. Alors agissons maintenant, car une telle furie entre frères d’armes pour des questions de fesses augure d’un profond malaise. Oui, un profond malaise au sein de l’armée ivoirienne !

 

Le Maire de Bouaké, DJIBO Youssouf Nicolas,
Le Maire de Bouaké, DJIBO Youssouf Nicolas (chemise blanche) au siège du CCDO / Sercom
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Commentaires

Tingbo
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Belle analyse.