Derniers chiffres clés sur l’avortement non sécurisé en Côte d’Ivoire

Article : Derniers chiffres clés sur l’avortement non sécurisé en Côte d’Ivoire
Crédit: Jeff Amann ©Libre Tribune-2020
24 octobre 2021

Derniers chiffres clés sur l’avortement non sécurisé en Côte d’Ivoire

La pratique de l’avortement est une réalité en Côte d’Ivoire. La preuve ? Les chiffres clés sur la question, même si le cadre juridique national y est peu favorable. Et ce, en dépit du plaidoyer de la société civile pour une offre de service d’avortement sécurisée et légale.

L’avortement non sécurisé, communément appelé avortement clandestin, est une pratique courante en Côte d’Ivoire. Les enquêtes Performance Monitoring for Action (PMA2020) sur le sujet, menées de 2018 à 2020 et dont les derniers résultats publiés en avril 2021 sont éloquents.

230 000 est le chiffre correspondant au nombre d’avortement effectué par an. Cela représente 4 % des femmes en âge de procréer (15 à 49 ans). Et plus de 6 sur 10 de ces avortements sont à risque, car impliquant des méthodes peu conventionnelles et non recommandées. C’est-à-dire de source non clinique. En termes de pourcentage, l’estimation est de 63 %.

Parmi cette population encline à l’avortement, on note que les femmes sont issues de tous les milieux sociaux. Un problème transversal qui concerne les 20 à 29 ans à 49%, les femmes déjà mères à 74 %, les mariées ou en concubinage à 59 % et celles vivant en milieu urbain à 63 %.

Résultats des enquêtes sur l'avortement de PMA 2018 à 2020 en Côte d'Ivoire, Avril 2021
Résultats des enquêtes sur l’avortement de PMA 2018 à 2020 en Côte d’Ivoire, Avril 2021

Toutefois, l’étude révèle l’avortement à risque est plus courant 15-19 ans et disproportionnel chez les femmes défavorisées, en milieu rural et sans éducation scolaire solide. Tous ces chiffres interrogent les textes de loi qui encadrent le phénomène d’avortement : qu’en est-il ?

Cadre juridique restrictif

La législation ivoirienne sur la question de l’avortement est sans équivoque dans l’imaginaire populaire ivoirien : l’avortement est interdit ! En effet, l’article 425 du code pénal qui le définit annonce les couleurs de peines suffisamment lourdes pour « quiconque commet ou tente de commettre un avortement » : une prescription juridique dissuasive tant pour le praticien de santé que pour les femmes qui sollicitent l’offre de service avortement. À ce propos, 9 % des femmes enquêtées ont indiqué que des soins d’avortement ou post-avortement leurs ont été refusés à un moment donné de leurs parcours.

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Une autre résultante de cet état de fait juridique est la difficulté à couvrir les frais d’un avortement en Côte d’Ivoire quand le service est offert. 40 % des femmes l’ont fait remarquer au cours des entretiens.

Pourtant, une des recommandations de l’article 14 du protocole de Maputo ratifié par l’Etat ivoirien (Décret n°2011-226 du 16 sept 2001) est d’« assurer l’accès des femmes aux services de santé adéquats, à des coûts abordables… », mais aussi de « protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé ».

Ce dernier alinéa, qui concerne les cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus mobilise tous les acteurs de la santé sexuelle reproductive.

En juillet 2019, lors de la mise à jour du code pénal, l’avortement médicalisé (Article 427) est dépénalisé pour les survivantes de viol et pour la sauvegarde de la vie de la mère. D’où le caractère restrictif du cadre juridique qui continue de faire objet de plaidoyer.

Plaidoyer de la société civile

La société civile ivoirienne conduit un plaidoyer en faveur de la domestication du protocole de Maputo par les lois et directives sanitaires. Pour elle, l’interdiction de l’avortement a créé de fait un marché informel d’interruption volontaire de grossesses non désirées, avec tous les risques sanitaires que cela comporte pour les usagers. Une des conclusions à laquelle parvient le Rapport (Décembre 2019) intitulé Pratiques des avortements et conséquences sur la santé des femmes en Côte d’Ivoire de Médecins du Monde Côte d’Ivoire (MdM).

Dans la continuité de la Conférence internationale sur la Population et le Développement (CIPD) tenue en 1994, la société civile multiplie les actions pour l’adoption d’une loi sur la santé de la reproduction. La CIPD prend en compte l’ensemble de cas énuméré par l’article 14 du protocole de Maputo sur l’avortement.

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Cette loi devrait pouvoir contribuer à la réduction de mortalité maternelle et néonatale restée élevée. 614 décès pour 100 000 naissances vivantes (EDS 2012), conformément à l’engament pris par l’Etat ivoirien au CIPD 2019 au Caire. À savoir la réduire ce taux à 149 pour 100 000.

Mieux, une loi sur la santé de la reproduction aura le mérite de mettre tous les prestataires de services de santé à l’aise. S’agissant notamment de la clarté du sceau légal de l’offre de soins et la conduite à tenir face à un cas de grossesse non désirée. Car la perception de la pertinence de la réglementation actuelle sur l’avortement divise en deux catégories selon le Rapport 2019 de MdM.  

« Si les premiers perçoivent favorablement la sévérité de la réglementation au motif que son objectif est de protéger la santé des femmes en ne les exposant pas aux risques liés aux avortements clandestins, de l’autre, les réformistes, quant à eux, estiment que la légalisation de la pratique de l’avortement sous certaines conditions permettrait de faciliter l’accès des femmes à des services plus sécurisés, en réduisant de fait le recours à l’informel ainsi que les risques qu’il induit. »

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